mardi 24 février 2015

LUST FOR LIFE. Comme d'habitude Minnelli fait le job.



MINNELLI FAIT LE JOB.
Je revisite le film grâce à une assez belle copie (non HD) présentée sur Arte.
Minnelli réalise LUST FOR LIFE en 1956.
Et il fait le job comme d'habitude. Le titre a été rebaptisé en France "pompeusement" LA VIE PASSIONNÉE DE VINCENT VAN GOGH" et ce ne fût pas un succès commercial. J'avais quelques craintes avant de revoir le film et le fait d'avoir revu LAME DE FOND du même Minnelli il y a 3 jours m'a conforté dans l'effort minnellien. Et ce sans aucun regret.
Une incroyable et profonde humilité se développe tout au long du film. La première partie montrant le travail de Vincent dans les pays miniers de la Belgique. Le contact direct et le partage de la vie de certains mineurs amèneront ses premiers dessins en noir et blanc. Le contact humain prime avant tout chez Vincent et ses relations avec son frère Théo, plus aristocrate et commercant, vont se fragiliser. Les deux frères ne s'entendent jamais mais leur amour fraternel restera le plus fort jusqu'au bout. Le regard de Theo sur son artiste-frère est permanent ainsi que son aide financière récurrente. Les scènes des lettres reçues par Vincent et souvent remplies de billets sont magnifiques et cet acte de soutien financier scelle totalement la confiance artistique que porte Theo au travail de son frère. C'est un des axes du film et il est remarquablement mis en valeur par le jeu tout en finesse et exceptionnel de l'acteur James Donald.

ZAMPANO RENCONTRE SPARTACUS
L'autre axe sera la rencontre entre Vincent et Paul Gauguin. La rencontre cinématographique de Zampano avec Spartacus, à travers ces deux monstres de comédiens que sont Anthony Quinn et Kirk Douglas. Là encore l'admiration commune du début entre les deux artistes se transformera en dualité et elle sera continuelle. Le regard que porte Paul Gauguin joué par Anthony Quinn est magnifique.
Pour moi, une grande ligne de force se dégage dans le déroulement du film. Il s'agit de la mise en scène des tableaux de Van Gogh. A la différence de Maurice Pialat qui montrait Van Gogh peindre, Minnelli lui utilise tout l'écran pour faire respirer totalement chacun des tableaux. L'entité du plan de cinéma est utilisé pour montrer le tableau fini. Le spectateur se retrouve au milieu des couleurs, des formes, des traits marquants et donc on peut tenter de mieux comprendre ce que ressentait le peintre.
On connait l'importance de la couleur chez Minnelli. Dans certains de ses films de studios, dans les chorégraphies, il y avait souvent cette exagération, ce kitsch unique à Hollywood et propre à Minnelli. On se souvient notamment de certains ballets et ces fumées rouges, vertes, jaunes etc... Le défi avec Van Gogh, c'est que Minnelli ne peut pas rien trahir. Alors il filme les couleurs bien sûr des toiles, mais aussi les décors, les costumes et on se dit au milieu du film comment va t'il traiter la fameuse scène de mutilation de l'oreille de Vincent.

SANG POUR SANG.
La scène est magnifique. Tout se passe sur le ou les miroirs de la petite chambre du peintre, les reflets du visage torturé de Vincent avec le rasoir à la main. La retenue de son acte d'auto-mutilation, son hésitation sur ce qu'il veut "supprimer" ou "taillader" avec la lame. Et soudain le visage disparait de l'écran et le plan reste fixe au milieu d'un cri de désespoir et de douleur extrême.
Le visage de Vincent passera sur le miroir de la gauche à la droite se tenant une oreille et l'on aperçoit le sang entre ses doigts, ce rouge venu d'ailleurs.

Le seul instant du film où l'on n'ose plus regarder cette couleur par décence. Par respect.
Ce n'est pas un tube de couleur qui vient de gicler. C'est le sang de Vincent, c'est la vie de Vincent, c'est le rouge de son malaise.
Et j'ai ressenti une tristesse infinie à ce moment là. Sans doute l'un des plus grands moments de cinéma dans l'oeuvre de Minnelli.

Guy Malugani (février 2015)