mardi 6 août 2013

NICK CAVE & THE BAD SEEDS A LYON.


                                                    
Les body snatchers attendent l'arrivée de Nick Cave & the bad seeds (Photo : Guy Malugani)

PUSH THE SKY AWAY

4h10 du matin ce dimanche 28 juillet 2013 et près de 30° dans mon salon, je dois quand même m'allonger et me reposer un peu.
Je viens de finir le montage de mon petit film sur le concert de Nick Cave & The bad seeds qui a eu lieu la veille au Théâtre antique de Fourvière à Lyon. Mon court-métrage dure près de 8 minutes, c'est l'intégralité de la chanson "Stagger Lee". A voir à la fin de mon texte.
Réalisation particulièrement épique dans "la fosse aux lions" du théâtre romain de Fourvière, au milieu des bras et des doigts, des têtes, des corps remuant autour du moi, se mouvant au rythme lourd et intense du mémorable "Stagger Lee". Il faut tenir bon l'objectif de la caméra numérique, ne pas trembler, ne pas défaillir, résister à la poussée des "body snatchers".

Près de 37° toute la journée sur Lyon et à 22h quelques minutes avant l'entrée du groupe, au milieu de la fosse. Mon voisin de gauche lit Alain Finkielkraut. De belles femmes sont là. Normal, Nick Cave est un séducteur mythique. Certains changeant même de tee shirt pour être plus à l'aise. Fourvière est plein à craquer. Les body snatchers sont assis derrière nous. Les bad seeds suivi du "prédicateur" attaquent le "push the sky away", dernier morceau du dernier album qui sera glorifié pratiquement dans son intégralité. Comme les Doors, this is the end. Le socle du concert, ce sera cet album monumental de 9 morceaux incandescents. Le "décor" musical est planté en deux minutes, chacun musicien avec son espace, avec sa liberté dont l'un sera un peu privilégié (et c'est bien naturel) Mister Warren Ellis, dos tourné au public façon Miles Davis. 
Je suis près de la scène, je voulais vivre et partager le plus près possible cet intimité presque théâtrale que va mettre en place Nick Cave. Cet homme de 56 ans comme toujours transcendé par sa créativité du moment, c'est le "Push the sky away" qui sera de la fête. 
Nick Cave est au rock ce que  Fritz Lang était  au cinéma. Comme le maître allemand, il commence toujours ses phrases en vous disant "Je vais vous raconter une histoire....". Chaque chanson est une histoire. Et v'lan, dès le deuxième morceau, le majestueux Jubilee Street, lent, profond, mélodique au début, presque d'essence nostalgique, se développe progressivement avec une force "marine" et, après un break étourdissant, s'élève tel Moby Dick et nous emmène dans un tourbillon grandiose mélangeant le rock, musique celtique voir psychédélique avec aux commandes un Nick Cave tel un grand pantin désarticulé et fou et un Warren Ellis cassant sa guitare pour mieux appréhender son violon et son archet qu'il tend en l'air comme une flèche. dans une pose très Méphistophélès. 

On regarde cela le souffle coupé. Le regard bloqué. L'archet de Warren Ellis n'est pas une flèche empoisonnée mais une flèche d'amour. Warren Ellis, le plus fidèle des bad seeds, veut mettre les choses au point immédiatement, dès le 2ème morceau. Avec Nick Cave, c'est le deuxième poumon du groupe et tout au long du concert, les deux artistes vont évoluer l'un à côté de l'autre, se regardant en permanence, se touchant souvent en se jaugeant, se poussant même comme deux gamins. C'est comme une sorte de joute d'où jaillit une créativité immédiate, du pur live. C'est très fort.




 (Photo: Guy Malugani)


TO BE ET SURTOUT NOT TO BE.

Nick Cave c'est Shakespeare. 
A chaque entame d'un texte, c'est comme le début d'un acte de "Richard III" ou"Hamlet". Son charisme et son expérience de la scène l'amène à transcender ses chansons avec une telle intériorité que l'on n'est pas loin d'imaginer Sir Laurence Olivier dans "Henri V". Son regard est vampirique, d'une intensité hypnotique incroyablement forte. Son regard est d'une fixité telle qu'il vous raidit sur place à la seconde d'où son incroyable appétit d'être avec le public, le toucher, le suivre. Nick Cave vous hypnotise d'où cette manière qu'il a de se reposer sur une main, une épaule d'un spectateur. Nick Cave installe une confiance infaillible avec son public. De près comme de loin. 
C'est d'une très grande intensité. Il vous emmène avec lui dans sa musique, ses textes, ses doutes et sa philosophie sociale. Du coup, il vous demande beaucoup, il suce votre "énergie" et le parallèle avec une action vampirique est incontournable. 

Par moment, c'est comme si l'on était au-delà de la musique. Comme dans une situation de conte littéraire. Nick Cave a toujours la main gauche tendue comme nous indiquer un chemin, une voie secrète que lui même n'a pas l'air de connaître (j'adore le fameux "Push the sky away" titre de l'album) Toujours sa main tendue ou bras tendu et son regard dans le nôtre. La très belle photographie du dernier album, signée par la grande Dominique Issermann, le prouve.
Comme si il restait encore tout à inventer en prenant cette voie "imaginaire" après avoir vécu les moments difficiles. Surtout les moments des autres qu'il a choisi : le parcours des prostituées, les tueurs de la lune de miel (fabuleux album "Murder ballads" et les laissés pour compte. Bien sûr ses amours tourmentés (le couteau dans le couple) et les décès de certains membres des bad seeds.
Nick Cave est un homme social. La preuve par son implication scénaristique régulière et ce depuis 30 ans dans certains films australiens ou américains. Ce n'est pas étonnant qu'il aime tant le cinéma, l'art le plus populaire. 
Nick Cave est là, sur scène, devant et avec nous pour nous montrer ce chemin, ce "yellow brick road", qu'il ne veut pas découvrir seul.
Alors, accompagné de ses merveilleux bad seeds, on a envie de le rejoindre au milieu de ces instruments si beaux, de sa musique si profonde, de son humanité si rare dans cet univers musical tellement corrompu.
On a envie de partir avec lui, en prenant des risques bien sûr, mais en gardant toujours cet espoir de se retrouver un jour devant un miroir peut-être transformé.
Et avoir la liberté de se retourner en disant à la personne qu'on aime: look at me, now.


GUY MALUGANI.



Double-cliquer sur la vignette pour obtenir le plein écran.

NICK CAVE & THE BAD SEEDS
Lyon 2013


Réalisation: Guy Malugani.
(Une production de Cinemagica - juillet 2013)