mardi 23 juillet 2013

THREE WOMEN.


Robert Altman sur le tournage de "Three women".


I have a dream.

Je viens de revoir le film de Robert Altman "Three women" au cinéma dans une superbe copie numérique et son format scope 2:35 d'origine en version originale américaine. Le plaisir est toujours là. 
En 1977, Robert Altman a 52 ans lorsqu'il réalise "Three women". Ce film est "coincé" entre le beau "Buffalo Bill et les indiens" et la comédie assez vite oubliée pour ma part, à savoir "Un mariage".
Je suis un fervent admirateur de Robert Altman et je voyais à l'époque, en retenant ma respiration, chacun de ses films en continuité chronologique. Selon la formule consacrée, "The long goodbye" (1973) faisant partie de mes films de chevet. A l'époque, Altman était un peu le Soderbergh du moment  car il avait notamment réalisé 7 films en 4 ans. Des trois films que j'ai cité plus haut c'est "Three women" qui m'avait le plus impressionné.
Rien n'a changé 36 ans plus tard. La mise en images d'un rêve vécu par Robert Altman. Il  fait un rêve, il le réalise et le produit. Et cela devient "Three women" avec les belles Shelley Duvall, Sissy Spacek et la moins connue Janice Rule.
Ce film reste intact dans sa forme typiquement "altmanienne" à savoir des mouvements de caméra très lents, une image très esthétique à la limite du flou, une déambulation psychologique avec des personnages comme en lévitation et des décors très Amérique profonde. Dès le départ, on se sent comme dans un rêve. Il y a les regards hallucinés de Shelley Duvall, la continuelle présence de l'eau sur l'image (la piscine du centre de gériatrie et la piscine de la villa avec les dessins) Personne n'écoute personne mais tout le monde parle. Aucune communication concrète entre les personnages. On est ailleurs et pourtant Altman filme bien l'Amérique avec ces travers récurrents. Le machisme, la prohéminence des armes à feu, la non-culture de certains états de l'Amérique. Dans ce film, on n'accepte pas son propre prénom. On le trouve moche. Alors, on se donne des surnoms (Millie et Pinky au lieu de Mildred) On est au bord d'un cinéma presque de nature fantastique. "Three women" est un film de fantômes.



                                                                                                                                                                                







Millie and Pinky.

C'est un film où l'on glisse très lentement, progressivement dans le non-dit de plusieurs situations sociales et surtout psychologiques. Et le fil conducteur de tout le film c'est Millie, incroyablement jouée et vécue par Shelley Duvall. 

En 1969, Robert Altman remarque Shelley Duvall dans un magasin de cosmétiques où elle est vendeuse. Elle a 19 ans.. Peu de temps après, il lui confie immédiatement un rôle dans "Brewster MacCloud". Elle démarre donc sa carrière cinématographique à 20 ans. En 4 ans, de 1977 à 1981, elle tournera dans 7 films de Robert Altman. Ce n'est qu'en 1981 qu'elle va "lâcher" son mentor pour accepter l'un des plus grands rôles féminins des années 80 à savoir le personnage culte de  Wendy Torrance dans le chef d'oeuvre de Stanley Kubrick THE SHINING. Ce rôle va beaucoup la marquer mais elle reviendra néanmoins vers Altman et interprétera la jolie Olive dans "Popeye". 
Shelley Duvall est exceptionnelle dans "Trois femmes" (elle obtiendra d'ailleurs le Prix d'interprétation féminine à Cannes en 1977) Elle tient son rôle sans cligner des yeux du début à la fin. Cette manière de déambuler souvent naïvement tout en prenant les choses en main progressivement dans le film révèle chez elle un immense registre de comédienne. 
Un physique hors du commun, ses beaux et grands yeux ronds et sa bouche constamment entre-ouverte ont marqué une époque du cinéma américain. Je pense que son rôle dans "Trois femmes" est le plus beau et sûrement l'un des plus importants de sa carrière.

Son travail est fortement renforcé à ses côtés par la présence lumineuse de Sissy Spacek, sortant tout juste un an avant de l'inoubliable "Carrie au bal du diable" de Brian de Palma. 
Sissi Spacek, qui avait exactement le même âge de Shelley Duvall en 1977, a toujours avoué de pas avoir compris grand-chose du scénario de "Trois femmes". Elle a quand même suivi "le jeu altmanien" presque de manière hypnotique ce qui donne à son rôle une double-personnalité à la fois rêveuse et assez dramatique voir effrayante sur la fin. Sissi Spacek "fait le job" et l'on est pas prêt d'oublier son personnage de Pinky et surtout ce beau regard bleuté, à la fois tendre et parfois "maléfique", regard noyé au milieu de taches de rousseur symbolisant une fin de l'adolescence et le début d'une vraie personnalité.


                                                                                                                                                                          


Robert Altman disait à propos de son film:
"La vie est dans l'eau alors que la mort est toujours dans le désert. J'aimais cette idée de l'eau, de ces vieillards marchant dans l'eau comme s'ils voulaient s'accrocher à la vie."


L'oeuvre cinématographique de Robert Altman est immense. N'oublions pas sa très sérieuse formation de documentariste dans les années 50/60 et qui a contribué indéniablement à l'incroyable variété des scénarios qu'il traitera par la suite dans sa période de fiction. Il a pratiquement traité tous les sujets: le sport, le jeu, la SF, le western, le country, le polar, le jazz, la bande-desssinée et 2 films autour de James Dean. 
Il restera peut-être avec "Three women" une oeuvre plus personnelle, plus recentrée et dépouillée dans une ambiance naturelle constituée d'eau et de désert. Le destin de ces trois femmes étranges mais si belles, un peu perdues mais si fières et déterminées et qui arriveront à reconstruire ensemble leur vie au milieu de l'eau et du désert.

GUY MALUGANI.












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