samedi 27 juin 2015

LES MILLE ET UNE NUITS - L'INQUIET de Miguel Gomes (2015)



Mais où va Miguel Gomes ?
Sa trilogie présentée et annoncée comme des l'un des évènements du Festival de Cannes 2015 sort en trois parties sur la période d'été à la fin de chaque mois de juin, juillet et août.

mercredi 24 juin 2015

UNE SECONDE MÈRE d'Anna Muylaert (Brésil - 2015)


LA GOUVERNANTE DE SAO PAULO.

Le Brésil n'est plus champion du monde en football mais s'il y avait une Coupe du monde du cinéma, je le verrais bien en demie-finale.
Chaque année à Cannes ou à Berlin, la présence du cinéma sud-américain est incontournable et s'impose comme l'une des plus riches et excitantes cinémtatographies mondiales. Et ce n'est pas ce premier film qui me mentira. Bien au contraire.
Après avoir vu le film (et même pendant) j'ai eu une pensée pour Glauber Rocha en regrettant qu'il ne puisse voir le film d'Anna Muylaert et donner son avis bien salé comme il savait le faire. Comme à la grande époque du cinéma nuovo et du choc culturel, des débats au sein des cahiers du cinéma et la nouvelle vague française.
UNE SECONDE MERE ne se place pas dans le même registre du souffle révolutionnaire cinématographique de Maître Glauber ou encore de Ruy Guerra. C'est quand même le traitement d'une révolution mais intérieure, dans un clos familial avec ses conflits., ses peines, ses rancoeurs et surtout la présence d'une "seconde mère", la vraie mère de tous à savoir la gouvernante.

La vraie mère (comme dirait Poudovkine) c'est elle. C'est Val, c'est son prénom. Incroyable prénom qui symbolise le sillon, le creuset et qui colle parfaitement au personnage central du film (royalement interprétée par Regina Casé et une carrière théâtrale reconnue au Brésil)
Val gouverne à sa manière toute cette famille "dominante" et qui l'exploite dans une tonalité sociale contemporaine. Val est la seconde et vraie mère mais elle veut avant tout, après 10 ans d'absence, retrouver sa fille.

SOCIAL ET ARCHITECTURE.

La fille de Val qui débarque donc dans cet appartement. Sa mère ne lui dévoilant que progressivement ses conditions de vie et surtout cette "chambre-placard" dans laquelle la mère et fille devront co-habiter.
A ce moment-là, un autre film commence et va mettre en relief l'architecture des lieux de vie et aussi d'espérance de vie (magnifique scène du mari amoureux de la fille de Val lui montrant les immeubles modernes qui étouffent le centre Sao Paulo)
Le film devient sublimement double. Les sentiments humains et leurs finalités se confondent au milieu de l'architecture des lieux. La réalisatrice décide que le cadre de vie est aussi important que le sens de la vie des personnages (un peu comme dans LES BRUIT DE RECIFE  autre grand film contemporain brésilien) 
Les cadrages, magnifiques, sont le révélateur de la vie sociale et intime de chaque personnage. 
Les tableaux peints par le mari, la piscine, les chambres, la cuisine, le fameux couloir toujours filmé en plan fixe avec les portes fermées sur les côtés, l'escalier au fond du plan et les extérieurs étouffants, bétonnés à l'outrance.
La culture du bitume (Sao Paulo), le matériel etc prenant le dessus sur la vie de chacune et chacun, étouffant toute possibilité de liberté sentimentale.

L'ENFANT ROI

Que reste-t'il comme espoir de vie au milieu d'un tel carcan ? Au milieu d'un tel étouffement caractérisé notamment par la jalousie maladive de la maîtresse de maison vis-à-vis de son mari qui est amoureux d'une jeune fille. 
Tout commence à vriller dans tous les sens. Et Val qui est au centre du film depuis le début, Val comprendra la première cette situation de malaise général.
Val est au centre de tout et elle sait que ce "centre" va l'étouffer. Alors, comme elle est libre au fond d'elle-même, elle comprend qu'il faut s'en sortir très vite.
Démissionner. Partir de son poste d'esclavage de domestique (et cela lui coûte moralement) et naturellement se retrouver elle-même dans un vrai contexte familial.
Ce contexte s'impose naturellement à la fin du film quand elle découvre la petite photo d'un bébé. 
Ce bébé, l'enfant de sa fille. L'enfant devient roi.
Sa petite-fille ou petit-fils devient donc immédiatement son roi ou sa reine.
Alors la nature de Val reprendra ses droits à savoir devenir ce qu'elle aura dû être depuis le début, "domestique" de cet enfant à savoir une vraie grand-mère.
Val ne peut donner tout son amour qu'à un seul être : cet enfant.
Et cet enfant, en voyant le dernier plan du visage de Val, je peux vous dire qu'il sera très, très heureux.

UNE SECONDE MERE est un beau et grand film.

Guy Malugani.






mardi 23 juin 2015

POUR TON ANNIVERSAIRE de Denis Dercourt (2013)



HAPPY BIRTHDAY TO YOU !

Pour ton anniversaire, je ou nous te réservons une belle surprise et un beau cadeau.
Un beau gâteau avec des bougies et un beau sourire pour accompagner cette célébration.
C'est la résultante de toute fête. Passer un bon moment ensemble, avec une famille, ses meilleurs amis et les amis des amis.
Nous avons tous vécu cela au moins une fois dans notre vie et à des âges différents. Sauf que dans ce film de Denis Dercourt (l'un des cinéastes les plus discrets et plus prometteurs du cinéma français) une fête d'anniversaire peut se transformer au plus tragique et au plus sombre des cauchemars. Un ton dramatique comme dans les meilleurs films de Claude Chabrol.

L'amitié entre ados dans une Allemagne fin années 80 et encore sous l'emprise d'une surveillance de police populaire. Cette amitié qui va être trahie par une rivalité amoureuse mais au-delà de çà par des comportements psychologiques très manipulateurs voir machiavéliques des années plus tard. C'est un axe "Chabrolien".
Un univers bourgeois imbu de lui-même au sein un milieu bancaire froid et des couples qui s'épient dans un climat de surveillance permanent. C'est un axe "Chabrolien".
Et après il y a le traitement de l'histoire qui nous est racontée sur plusieurs années et en suivant les mêmes personnages et leurs certitudes. 
C'est dans ce traitement que Denis Dercourt est très fort car il arrive à nous emmener dans un angle de l'histoire qu'on ne pouvait imaginer dès le début.  Et nous sommes dans l'univers-cinéma, de la narration, du scénario et de l'image, le tout servi par un casting au top.




LA RÈGLE DU JEU.

J'ai parlé des parallèles avec le cinéma de Claude Chabrol dans mon introduction mais je tiens à respecter le propre univers filmique et surtout musical de Denis Dercourt.
En effet, nous retrouvons dans ce film la présence de la musique classique symbolisée par le piano, chère et fidèle à Dercourt (LA TOURNEUSE DE PAGES, EN EQUILIBRE) A nouveau, le piano est mis en scène comme un axe, un espace de travail et de liberté comme une aire de repos au milieu des turpitudes psychologiques des personnages.
Les rares moments de piano sont profonds et révélateurs dans le non-dit, propre à déclencher des actions nuisantes de la part du personnage endiablé (magnifiquement interprété par l'acteur Sylvester Groth qui jouait notamment le rôle de Goebbels dans "Inglourious basterds" de Tarantino)
La rigueur du jeu de la jeune fille pianiste, personnage central du film et qui indubitablement nous amène à une régle du jeu implacable entre les deux personnages masculins. Rivaux depuis l'adolescence, mais aussi complices "fraternels" au fil des années d'une sorte de pacte faustien qui ne peut se terminer que dans le sang et le feu. 
La magnifique scène de la partie de chasse au milieu du film m'apparait comme la colonne vertébrale du film. Elle me rappelle dans son ambiance et finalité la sublime partie de chasse de "La règle du jeu" de Jean Renoir. Chacun tient son fusil et cherche à viser quelque chose ou quelqu'un avec beaucoup de maladresse tout en sachant pertinemment la personne que l'on veut tuer. Dans cette scène, le femme de Sylvester Groth (jouée par une incroyable Sophie Rois - photo ci-dessus) prend le pouvoir et ira jusqu'au bout de sa détermination.

L'ANGE DE LA VENGEANCE.

Ce personnage qui est resté dans l'ombre tout le long du film, alors qu'il est "l'objet" ou plutôt "femme-objet" du deal entre les deux hommes, va devenir l'ange de la vengeance. La force et la grande maîtrise filmique et narrative de Dercourt est de brouiller les pistes afin d'arriver à un surprenant dénouement qu'Abel Ferrara aurait sans doute apprécié du temps de sa belle époque.
La vengeance est le thème récurrent du film. L'acte de vengeance, la préméditation permanente dans les actes avec en relais une imagination diabolique. 
Pour arriver à concrétiser ces postures, il faut être confiant dans les comédiens et comédiennes que l'on choisit. Le choix des visages et la profondeur de chaque personnage dans le récit. 
Ces jeux dangereux, comme dirait Ernst Lubitsch, il faut savoir les raconter et les mettre en scène. 

Discrètement, Denis Dercourt continue à faire un beau et profond travail de cinéma.
Avec humilité, cette forme d'excellence est bien là, à tous les niveaux.
C'est rare.


Guy Malugani.