mercredi 24 juin 2015

UNE SECONDE MÈRE d'Anna Muylaert (Brésil - 2015)


LA GOUVERNANTE DE SAO PAULO.

Le Brésil n'est plus champion du monde en football mais s'il y avait une Coupe du monde du cinéma, je le verrais bien en demie-finale.
Chaque année à Cannes ou à Berlin, la présence du cinéma sud-américain est incontournable et s'impose comme l'une des plus riches et excitantes cinémtatographies mondiales. Et ce n'est pas ce premier film qui me mentira. Bien au contraire.
Après avoir vu le film (et même pendant) j'ai eu une pensée pour Glauber Rocha en regrettant qu'il ne puisse voir le film d'Anna Muylaert et donner son avis bien salé comme il savait le faire. Comme à la grande époque du cinéma nuovo et du choc culturel, des débats au sein des cahiers du cinéma et la nouvelle vague française.
UNE SECONDE MERE ne se place pas dans le même registre du souffle révolutionnaire cinématographique de Maître Glauber ou encore de Ruy Guerra. C'est quand même le traitement d'une révolution mais intérieure, dans un clos familial avec ses conflits., ses peines, ses rancoeurs et surtout la présence d'une "seconde mère", la vraie mère de tous à savoir la gouvernante.

La vraie mère (comme dirait Poudovkine) c'est elle. C'est Val, c'est son prénom. Incroyable prénom qui symbolise le sillon, le creuset et qui colle parfaitement au personnage central du film (royalement interprétée par Regina Casé et une carrière théâtrale reconnue au Brésil)
Val gouverne à sa manière toute cette famille "dominante" et qui l'exploite dans une tonalité sociale contemporaine. Val est la seconde et vraie mère mais elle veut avant tout, après 10 ans d'absence, retrouver sa fille.

SOCIAL ET ARCHITECTURE.

La fille de Val qui débarque donc dans cet appartement. Sa mère ne lui dévoilant que progressivement ses conditions de vie et surtout cette "chambre-placard" dans laquelle la mère et fille devront co-habiter.
A ce moment-là, un autre film commence et va mettre en relief l'architecture des lieux de vie et aussi d'espérance de vie (magnifique scène du mari amoureux de la fille de Val lui montrant les immeubles modernes qui étouffent le centre Sao Paulo)
Le film devient sublimement double. Les sentiments humains et leurs finalités se confondent au milieu de l'architecture des lieux. La réalisatrice décide que le cadre de vie est aussi important que le sens de la vie des personnages (un peu comme dans LES BRUIT DE RECIFE  autre grand film contemporain brésilien) 
Les cadrages, magnifiques, sont le révélateur de la vie sociale et intime de chaque personnage. 
Les tableaux peints par le mari, la piscine, les chambres, la cuisine, le fameux couloir toujours filmé en plan fixe avec les portes fermées sur les côtés, l'escalier au fond du plan et les extérieurs étouffants, bétonnés à l'outrance.
La culture du bitume (Sao Paulo), le matériel etc prenant le dessus sur la vie de chacune et chacun, étouffant toute possibilité de liberté sentimentale.

L'ENFANT ROI

Que reste-t'il comme espoir de vie au milieu d'un tel carcan ? Au milieu d'un tel étouffement caractérisé notamment par la jalousie maladive de la maîtresse de maison vis-à-vis de son mari qui est amoureux d'une jeune fille. 
Tout commence à vriller dans tous les sens. Et Val qui est au centre du film depuis le début, Val comprendra la première cette situation de malaise général.
Val est au centre de tout et elle sait que ce "centre" va l'étouffer. Alors, comme elle est libre au fond d'elle-même, elle comprend qu'il faut s'en sortir très vite.
Démissionner. Partir de son poste d'esclavage de domestique (et cela lui coûte moralement) et naturellement se retrouver elle-même dans un vrai contexte familial.
Ce contexte s'impose naturellement à la fin du film quand elle découvre la petite photo d'un bébé. 
Ce bébé, l'enfant de sa fille. L'enfant devient roi.
Sa petite-fille ou petit-fils devient donc immédiatement son roi ou sa reine.
Alors la nature de Val reprendra ses droits à savoir devenir ce qu'elle aura dû être depuis le début, "domestique" de cet enfant à savoir une vraie grand-mère.
Val ne peut donner tout son amour qu'à un seul être : cet enfant.
Et cet enfant, en voyant le dernier plan du visage de Val, je peux vous dire qu'il sera très, très heureux.

UNE SECONDE MERE est un beau et grand film.

Guy Malugani.






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