mardi 5 novembre 2013

L'adorer.





Avant que l'infidèle à la beauté assassine,
ne me morde la main,
ne me couronne d'épines,
désadorer, l'adorer.

Avant que ses baisers ne deviennent couteaux,
que ses bouquets de fleurs ne me fassent la peau,
désadorer, l'adorer,
mais arborer ce chagrin si haut, que je porte,
beau comme un drapeau,
en vainqueur,
dont on admire le sort,
courageux qui sait aimer trop fort,
car comme les dieux qu'on adore adorer j'adorais l'adorer.

J'ai été si vivant,
chaque minute,
chaque seconde,
mais avant d'abhorrer ses humeurs vagabondes,
désadorer, l'adorer.

Avant que l'infidèle à nouveau ne sévisse,
qu'inéluctablement,
le destin s'accomplisse,
désadorer, l'adorer,

Mais arborer ce chagrin si haut, que je porte,
beau comme un drapeau en vainqueur,
dont on admire le sort, courageux,
qui sait aimer trop fort,
car comme les dieux qu'on adore adorer,
j'adorais l'adorer.

Désadorer, l'adorer.

Désadorer, l'adorer.



L'ADORER.
Textes/Musique : Edith Fambuena, Etienne Daho et Jean-Louis Pierot.
Tiré du neuvième album d'Etienne Daho "L'invitation" (2008)

Photo de l'illustration : Monika (Ingmar Bergman)


samedi 21 septembre 2013

C'est sans danger ?




La solitude du coureur de fond.

Décidément, je ne me lasserais jamais de revoir le "Marathon man" de John Schlesinger.
Un nouveau visionnement en DVD et le plaisir reste intact avec ce scénario incroyablement prenant, signé par le grand William Goldman auteur également du roman.
Quand on fait équipe avec le scénariste de "Détective privé", "Butch Cassidy et le kid" ou encore "Les hommes du Président", on ne peut être que plus stimulé et renforcé pour mettre en scène un maître de l'écriture.
Pourquoi le cinéma de John Boorman peut accuser avec le temps de sérieuses marques de fatigue et de lourdeur, et pourquoi le cinéma de John Schlesinger tient-il aussi bien "la route". J'aurais pu citer bien sûr d'autres cinéastes (dans les deux camps) mais j'en reste au cinéma anglais.
Pourquoi donc. En y réfléchissant de plus près, je pense que le cinéma de Schlesinger est plus moderne et donc plus vivant car il faisait partie de la fameuse "nouvelle vague anglaise" (free cinema) dans les années 1960 avec Karel Reisz et Tony Richardson. Il a creusé un tel sillon créatif et novateur pour l'époque, que son empreinte est encore là particulièrement sur la forme.
En revoyant le cinéma de Schlesinger des années 75/80 (Le jour du fléau, Marathon man, Le jeu du faucon) on a envie de re-découvrir ou découvrir tout simplement ses premiers films. Je dis "découvrir" car voir des films de John Schlesinger au cinéma ou à la télévision est pratiquement chose impossible.
Donc je dis allo, allo quoi (référence "Nabillesque") allo l'Institut Lumière de Lyon ou La cinémathèque française de Paris pour un mise en lumière d'une belle et complète rétro Schlesinger. Il ne faut jamais s'arrêter de découvrir.

"Marathon man", c'est la rencontre de tous les atouts. Un roman de William Goldman, scénarisé par lui-même où il ne garde que l'essentiel. Une musique prenante et empreinte de mysticisme signée par le discret Michael Small. Des acteurs fabuleux, Dustin Hoffman (38 ans au moment du film) Sir Laurence Olivier, William Devane (trop rare) et surtout le grand Roy Scheider dans l'un de ses plus grands rôles. Et aussi la participation un peu surprenante dans une telle super-production de "la demoiselle d'Avignon" Marthe Keller dans un rôle ambigu dans lequel elle tire son épingle du jeu.


Is it safe ?

"Marathon man" c'est aussi une histoire de famille et notamment ces deux frères (aux destinées diamétralement opposées) L'espion pragmatique-manichéen (Roy Scheider) et l'étudiant-philosophe un peu rêveur sur le tard (Dustin Hoffman) Deux univers qui vont se mélanger et progresser dans un noeud de vipères, de violence et de meurtres. Le personnage-espion de Roy Scheider y laissera sa vie au milieu d'un rendez-vous fatal avec le "monstre nazi". Mais, il réussira à lâcher son dernier souffle, dans une sublime scène de "rampage hémoglobien" devant son frère, du coup obligé d'appuyer sur la pédale vengeance.

"Marathon man" c'est du polar. En cela, il se rapproche fiévreusement du fameux "Trois jour du Condor" de Sidney Pollack et scénarisé par le même William Goldman. Des personnages de polar hyper construits et des dialogues ciselés avec notamment la réplique "C'est sans danger ?" (Is it safe ?) qui restera un "must' auprès de tous les aficionados du genre. Elle est notamment classée par l'American film Institute au niveau 70 parmi les 100 répliques les plus "culte" de l'histoire de cinéma.

Abebe Bikila.

"Marathon man" c'est en fait la solitude du coureur de fond en référence au chef d'oeuvre d'un autre grand cinéaste britannique Tony Richardson.
Beaucoup de richesse scénaristique, des rebondissements surprenants et intelligents. Un fond d'histoire souvent exploitée au cinéma: la recherche de l'ancien nazi, de l'ancien tortionnaire planqué en Amérique latine et soutenu par une armada d'"amis relais" aux Etats-Unis. Ici, le rôle du dentiste-bourreau interprété par Sir Laurence Olivier, c'est la référence à Mengele (John Schlesinger est né à Londres dans une famille juive de classe moyenne) 
"Marathon man" c'est aussi le jogging à New York. La course éternelle le long des grilles comme si Dustin Hoffman était enfermé dans sa propre folie. Avec son souffle et la pensée permanente à l'immense marathonien éthiopien Abebe Bikila que Schlesinger nous montre magistralement par un document d'époque et qui revient comme un battement de coeur. 

Abebe Bikila remportant pieds nus le marathon olympique de 1960. L'africain est un modèle pour l'américain Babe, le personnage interprété par Hoffman. C'est une source d'inspiration. Babe court pour s'entraîner certes. Le marathon de New York étant son objectif.

Mais au-delà de tout cela, Babe court pour sa liberté.

Guy Malugani.


Tournage du film avec Dustin Hoffman et Sir Laurence Olivier.



jeudi 8 août 2013

De l'étuve au blizzard.


Je passe pour une caravane
Pour un chien qui n'en démord pas
Le labyrinthe
Conduit l'homme mobile
A des étreintes
Loin du réconfort
Je passe de sas en sas
Et mes visites s'espacent
Des ombres s'échinent
A me chercher des noises
Le plus clair de mon temps
Dans ma chambre noire
De l'étuve au blizzard
Des coups de latte
Un baiser
Des coups de latte
Un baiser
Des coups de latte
Un baiser
Je passe sous silence mes avatars
Je passe sur tes frasques
M'obnubiler pourquoi
Pour un vasistas
Loin du réconfort
Je passe de sas en sas
Et mes visites s'espacent
Mes élans me courent et m'entraînent
Vers d'autres riveraines
Vers la grande inconnue
Loin du réconfort
Je passe de sas en sas
Et tes visites s'espacent
Des ombres s'échinent
A me chercher des noises
Le plus clair de mon temps
Dans ma chambre noire
De l'étuve au blizzard
Des coups de latte
Un baiser
Des coups de latte
Un baiser


Alain Bashung (né Alain Baschung)








mardi 6 août 2013

NICK CAVE & THE BAD SEEDS A LYON.


                                                    
Les body snatchers attendent l'arrivée de Nick Cave & the bad seeds (Photo : Guy Malugani)

PUSH THE SKY AWAY

4h10 du matin ce dimanche 28 juillet 2013 et près de 30° dans mon salon, je dois quand même m'allonger et me reposer un peu.
Je viens de finir le montage de mon petit film sur le concert de Nick Cave & The bad seeds qui a eu lieu la veille au Théâtre antique de Fourvière à Lyon. Mon court-métrage dure près de 8 minutes, c'est l'intégralité de la chanson "Stagger Lee". A voir à la fin de mon texte.
Réalisation particulièrement épique dans "la fosse aux lions" du théâtre romain de Fourvière, au milieu des bras et des doigts, des têtes, des corps remuant autour du moi, se mouvant au rythme lourd et intense du mémorable "Stagger Lee". Il faut tenir bon l'objectif de la caméra numérique, ne pas trembler, ne pas défaillir, résister à la poussée des "body snatchers".

Près de 37° toute la journée sur Lyon et à 22h quelques minutes avant l'entrée du groupe, au milieu de la fosse. Mon voisin de gauche lit Alain Finkielkraut. De belles femmes sont là. Normal, Nick Cave est un séducteur mythique. Certains changeant même de tee shirt pour être plus à l'aise. Fourvière est plein à craquer. Les body snatchers sont assis derrière nous. Les bad seeds suivi du "prédicateur" attaquent le "push the sky away", dernier morceau du dernier album qui sera glorifié pratiquement dans son intégralité. Comme les Doors, this is the end. Le socle du concert, ce sera cet album monumental de 9 morceaux incandescents. Le "décor" musical est planté en deux minutes, chacun musicien avec son espace, avec sa liberté dont l'un sera un peu privilégié (et c'est bien naturel) Mister Warren Ellis, dos tourné au public façon Miles Davis. 
Je suis près de la scène, je voulais vivre et partager le plus près possible cet intimité presque théâtrale que va mettre en place Nick Cave. Cet homme de 56 ans comme toujours transcendé par sa créativité du moment, c'est le "Push the sky away" qui sera de la fête. 
Nick Cave est au rock ce que  Fritz Lang était  au cinéma. Comme le maître allemand, il commence toujours ses phrases en vous disant "Je vais vous raconter une histoire....". Chaque chanson est une histoire. Et v'lan, dès le deuxième morceau, le majestueux Jubilee Street, lent, profond, mélodique au début, presque d'essence nostalgique, se développe progressivement avec une force "marine" et, après un break étourdissant, s'élève tel Moby Dick et nous emmène dans un tourbillon grandiose mélangeant le rock, musique celtique voir psychédélique avec aux commandes un Nick Cave tel un grand pantin désarticulé et fou et un Warren Ellis cassant sa guitare pour mieux appréhender son violon et son archet qu'il tend en l'air comme une flèche. dans une pose très Méphistophélès. 

On regarde cela le souffle coupé. Le regard bloqué. L'archet de Warren Ellis n'est pas une flèche empoisonnée mais une flèche d'amour. Warren Ellis, le plus fidèle des bad seeds, veut mettre les choses au point immédiatement, dès le 2ème morceau. Avec Nick Cave, c'est le deuxième poumon du groupe et tout au long du concert, les deux artistes vont évoluer l'un à côté de l'autre, se regardant en permanence, se touchant souvent en se jaugeant, se poussant même comme deux gamins. C'est comme une sorte de joute d'où jaillit une créativité immédiate, du pur live. C'est très fort.




 (Photo: Guy Malugani)


TO BE ET SURTOUT NOT TO BE.

Nick Cave c'est Shakespeare. 
A chaque entame d'un texte, c'est comme le début d'un acte de "Richard III" ou"Hamlet". Son charisme et son expérience de la scène l'amène à transcender ses chansons avec une telle intériorité que l'on n'est pas loin d'imaginer Sir Laurence Olivier dans "Henri V". Son regard est vampirique, d'une intensité hypnotique incroyablement forte. Son regard est d'une fixité telle qu'il vous raidit sur place à la seconde d'où son incroyable appétit d'être avec le public, le toucher, le suivre. Nick Cave vous hypnotise d'où cette manière qu'il a de se reposer sur une main, une épaule d'un spectateur. Nick Cave installe une confiance infaillible avec son public. De près comme de loin. 
C'est d'une très grande intensité. Il vous emmène avec lui dans sa musique, ses textes, ses doutes et sa philosophie sociale. Du coup, il vous demande beaucoup, il suce votre "énergie" et le parallèle avec une action vampirique est incontournable. 

Par moment, c'est comme si l'on était au-delà de la musique. Comme dans une situation de conte littéraire. Nick Cave a toujours la main gauche tendue comme nous indiquer un chemin, une voie secrète que lui même n'a pas l'air de connaître (j'adore le fameux "Push the sky away" titre de l'album) Toujours sa main tendue ou bras tendu et son regard dans le nôtre. La très belle photographie du dernier album, signée par la grande Dominique Issermann, le prouve.
Comme si il restait encore tout à inventer en prenant cette voie "imaginaire" après avoir vécu les moments difficiles. Surtout les moments des autres qu'il a choisi : le parcours des prostituées, les tueurs de la lune de miel (fabuleux album "Murder ballads" et les laissés pour compte. Bien sûr ses amours tourmentés (le couteau dans le couple) et les décès de certains membres des bad seeds.
Nick Cave est un homme social. La preuve par son implication scénaristique régulière et ce depuis 30 ans dans certains films australiens ou américains. Ce n'est pas étonnant qu'il aime tant le cinéma, l'art le plus populaire. 
Nick Cave est là, sur scène, devant et avec nous pour nous montrer ce chemin, ce "yellow brick road", qu'il ne veut pas découvrir seul.
Alors, accompagné de ses merveilleux bad seeds, on a envie de le rejoindre au milieu de ces instruments si beaux, de sa musique si profonde, de son humanité si rare dans cet univers musical tellement corrompu.
On a envie de partir avec lui, en prenant des risques bien sûr, mais en gardant toujours cet espoir de se retrouver un jour devant un miroir peut-être transformé.
Et avoir la liberté de se retourner en disant à la personne qu'on aime: look at me, now.


GUY MALUGANI.



Double-cliquer sur la vignette pour obtenir le plein écran.

NICK CAVE & THE BAD SEEDS
Lyon 2013


Réalisation: Guy Malugani.
(Une production de Cinemagica - juillet 2013)




                                                            

mardi 23 juillet 2013

THREE WOMEN.


Robert Altman sur le tournage de "Three women".


I have a dream.

Je viens de revoir le film de Robert Altman "Three women" au cinéma dans une superbe copie numérique et son format scope 2:35 d'origine en version originale américaine. Le plaisir est toujours là. 
En 1977, Robert Altman a 52 ans lorsqu'il réalise "Three women". Ce film est "coincé" entre le beau "Buffalo Bill et les indiens" et la comédie assez vite oubliée pour ma part, à savoir "Un mariage".
Je suis un fervent admirateur de Robert Altman et je voyais à l'époque, en retenant ma respiration, chacun de ses films en continuité chronologique. Selon la formule consacrée, "The long goodbye" (1973) faisant partie de mes films de chevet. A l'époque, Altman était un peu le Soderbergh du moment  car il avait notamment réalisé 7 films en 4 ans. Des trois films que j'ai cité plus haut c'est "Three women" qui m'avait le plus impressionné.
Rien n'a changé 36 ans plus tard. La mise en images d'un rêve vécu par Robert Altman. Il  fait un rêve, il le réalise et le produit. Et cela devient "Three women" avec les belles Shelley Duvall, Sissy Spacek et la moins connue Janice Rule.
Ce film reste intact dans sa forme typiquement "altmanienne" à savoir des mouvements de caméra très lents, une image très esthétique à la limite du flou, une déambulation psychologique avec des personnages comme en lévitation et des décors très Amérique profonde. Dès le départ, on se sent comme dans un rêve. Il y a les regards hallucinés de Shelley Duvall, la continuelle présence de l'eau sur l'image (la piscine du centre de gériatrie et la piscine de la villa avec les dessins) Personne n'écoute personne mais tout le monde parle. Aucune communication concrète entre les personnages. On est ailleurs et pourtant Altman filme bien l'Amérique avec ces travers récurrents. Le machisme, la prohéminence des armes à feu, la non-culture de certains états de l'Amérique. Dans ce film, on n'accepte pas son propre prénom. On le trouve moche. Alors, on se donne des surnoms (Millie et Pinky au lieu de Mildred) On est au bord d'un cinéma presque de nature fantastique. "Three women" est un film de fantômes.



                                                                                                                                                                                







Millie and Pinky.

C'est un film où l'on glisse très lentement, progressivement dans le non-dit de plusieurs situations sociales et surtout psychologiques. Et le fil conducteur de tout le film c'est Millie, incroyablement jouée et vécue par Shelley Duvall. 

En 1969, Robert Altman remarque Shelley Duvall dans un magasin de cosmétiques où elle est vendeuse. Elle a 19 ans.. Peu de temps après, il lui confie immédiatement un rôle dans "Brewster MacCloud". Elle démarre donc sa carrière cinématographique à 20 ans. En 4 ans, de 1977 à 1981, elle tournera dans 7 films de Robert Altman. Ce n'est qu'en 1981 qu'elle va "lâcher" son mentor pour accepter l'un des plus grands rôles féminins des années 80 à savoir le personnage culte de  Wendy Torrance dans le chef d'oeuvre de Stanley Kubrick THE SHINING. Ce rôle va beaucoup la marquer mais elle reviendra néanmoins vers Altman et interprétera la jolie Olive dans "Popeye". 
Shelley Duvall est exceptionnelle dans "Trois femmes" (elle obtiendra d'ailleurs le Prix d'interprétation féminine à Cannes en 1977) Elle tient son rôle sans cligner des yeux du début à la fin. Cette manière de déambuler souvent naïvement tout en prenant les choses en main progressivement dans le film révèle chez elle un immense registre de comédienne. 
Un physique hors du commun, ses beaux et grands yeux ronds et sa bouche constamment entre-ouverte ont marqué une époque du cinéma américain. Je pense que son rôle dans "Trois femmes" est le plus beau et sûrement l'un des plus importants de sa carrière.

Son travail est fortement renforcé à ses côtés par la présence lumineuse de Sissy Spacek, sortant tout juste un an avant de l'inoubliable "Carrie au bal du diable" de Brian de Palma. 
Sissi Spacek, qui avait exactement le même âge de Shelley Duvall en 1977, a toujours avoué de pas avoir compris grand-chose du scénario de "Trois femmes". Elle a quand même suivi "le jeu altmanien" presque de manière hypnotique ce qui donne à son rôle une double-personnalité à la fois rêveuse et assez dramatique voir effrayante sur la fin. Sissi Spacek "fait le job" et l'on est pas prêt d'oublier son personnage de Pinky et surtout ce beau regard bleuté, à la fois tendre et parfois "maléfique", regard noyé au milieu de taches de rousseur symbolisant une fin de l'adolescence et le début d'une vraie personnalité.


                                                                                                                                                                          


Robert Altman disait à propos de son film:
"La vie est dans l'eau alors que la mort est toujours dans le désert. J'aimais cette idée de l'eau, de ces vieillards marchant dans l'eau comme s'ils voulaient s'accrocher à la vie."


L'oeuvre cinématographique de Robert Altman est immense. N'oublions pas sa très sérieuse formation de documentariste dans les années 50/60 et qui a contribué indéniablement à l'incroyable variété des scénarios qu'il traitera par la suite dans sa période de fiction. Il a pratiquement traité tous les sujets: le sport, le jeu, la SF, le western, le country, le polar, le jazz, la bande-desssinée et 2 films autour de James Dean. 
Il restera peut-être avec "Three women" une oeuvre plus personnelle, plus recentrée et dépouillée dans une ambiance naturelle constituée d'eau et de désert. Le destin de ces trois femmes étranges mais si belles, un peu perdues mais si fières et déterminées et qui arriveront à reconstruire ensemble leur vie au milieu de l'eau et du désert.

GUY MALUGANI.












dimanche 21 juillet 2013

PACIFIC RIM.


                                        La vie ne m’a jamais intéressé autant que l’évasion loin de la vie.                                                   
                                                                                                                                                                                                                                                                       H.P.Lovecraft.

 LES MONTAGNES HALLUCINÉES.

Une réflexion sur le film de Guillermo del Toro "Pacific rim".
       
Après quatre ans de projets avortés, de diverses collaborations en tant que producteur et surtout après avoir scénariser la saga du "Hobbit " réalisée au final par Peter Jackson, Guillermo del Toro nous revient en ce mois de juillet 2013 et nous présente son nouveau film "Pacific rim". Une sortie mondiale en simultané et managée par le distributeur américain Warner Brothers Pictures. Ce film annoncé comme l’un des plus gros blockbusters de l’année 2O13 avec son budget avoisinant les 200 millions de dollars, voit enfin le jour sur les écrans et dans plusieurs versions au choix : 2D, 3D ou pour certaines salles imax 3D. La Warner ayant pris soin d’axer principalement la publicité sur la 3D afin de sensibiliser au mieux un public plus jeune et sensible à la pratique des jeux vidéo. C’est un rituel de la part d’une major comme la Warner d’avoir imposé la 3D faisant fi du désir du réalisateur qui voulait que son film ne sorte qu’en format 2D. Par ailleurs, il est légitime que les financiers , en l'occurrence ici la Legendary Pictures, puissent retrouver leurs « mises «  le plus rapidement possible. Il n’est pas rare de voir aux Etats-Unis  des budgets énormes rentabilisés en 3 ou 4 jours d’exploitation rien que sur le territoire américain et canadien.  Aux dernières nouvelles concernant le box-office des entrées du film, la fréquentation dans les salles s'annonce timide voir pénible. Il faudra donc sans doute compter sur des recettes mondiales (avec surtout le Japon et l'Asie) pour rentibiliser les parts productives de base.




Howard Philips Lovecraft.

C’est la huitième réalisation de Guillermo del Toro qui aura 49 ans en octobre. Huit films en 20 ans. Mais comme je l’ai dit plus haut, le réalisateur mexicain n’a pas chômé en produisant et scénarisant plusieurs films tout en restant « addict » à son plus profond projet de mettre en scène le fabuleux roman de Lovecraft « Les montagnes hallucinées » Depuis son approche avortée auprès de Dreamworks en 2002, Guillermo del Toro laisse son éternel projet dans un tiroir. L’exigence esthétique et créative  du réalisateur est telle qu’elle doit refroidir plus d’un producteur. L’éternel combat continue. Il faut frapper aux portes des financiers. Mais la crise est là et bien là.  Le temps passe, mais l’idée restera enfouie et tenace. Le Pacific rim est donc sortie de la « brèche « après plus de 3 mois de tournage et basé sur un scénario signé Travis Beachman d'après son histoire.





La brèche, le kaiju et le Jaeger.

En moins de quelques minutes, et en utilisant une voix off, Guillermo del Toro nous livre la trame du drame. Mais ce début de film n'est pas traité comme un drame d’apocalypse, un drame de santé humaine (virus) ou un drame majeur d'ordre écologique. Non, c'est un simple drame d'actualité banale, un fait divers presque anodin. Cela fait peur car l’on se dit, très vite, que le risque d’une catastrophe naturelle par un tremblement de terre existe et existera toujours. Le risque du séisme majeur notamment sur la côte-ouest américaine. The big one. 
L’océan Pacifique entre en scène avec cette brèche majeure au plus profond de l’océan. Littéralement, le Pacific Rim désigne les pays du littoral Pacifique, Asie, Amériques et Océanie incluses. Nous sommes entre la Californie et le Japon. D’où la référence directe avec la mythologie légendaire du monstre japonais Godzilla rebaptisé Kaiju (1) Ce monstre immense, assez bête, très laid aux formes « lovecraftiennes » est sorti de la brèche sous-marine. 
Au sujet de "ses" monstres, il me semble important de citer les propos tenus par Guillermo del Toro lors la présentation de son film à Londres: 

"Ils sont la chose la plus proche de mon coeur. Dans un certain sens, ils sont ma religion. Je pense sincèrement que plus vous en savez sur eux, sur leurs sources littéraires, sur leurs origines artistiques et cinématographiques, mieux vous arrivez à cerner une part essentielle de la compréhension humaine de l'univers. Ils sont une métaphore qui nous aide à appréhender des notions abstraites comme l'existence, le bien, le mal..."

Le décor est donc planté.
Le premier combat du kaigu avec le Jaeger, colossal tour d’acier articulé conçu par l’homme afin de défendre la planète terre, ce premier combat est mis en scène, curieusement, comme un fait d’actualité presque banal. Nous sommes dans l’action immédiatement, le combat Jaeger/jaigu est sur l’écran au milieu des buildings, de l’eau mais comme presque normal. Relevons au passage que la réalisation technique du Jaeger, seul espoir de survie pour l’humanité, est conçue par plusieurs états réunis. Guillermo del Toro se distinguant par cette idée de tous les autres blockbusters cinématographiques dans lesquels ils n’existent qu’une seule « patrie » sur la planète susceptible d’être attaquée et de surcroît salvatrice du monde à savoir les Etats-Unis d’Amérique. Le réalisateur égratigne donc l’éternelle hégémonie planétaire des USA et cela ne fait pas de mal. 
Toute la partie introductive du film au sein de l'usine à jaeggers est magistrale. C’est comme si l’on pénétrait dans un « Metropolis «  non-futuriste mais bien réel avec ses ouvriers, sa cantine, ses échafaudages et sa sueur au travail. Le réalisateur rend hommage au chef d’œuvre du maître allemand en modernisant la destinée de l’usine et du coup du concept de science-fiction. La construction extraordinaire des plans expliquant la fabrication des immenses Jaeggers (chacun son nom, sa personnalité reflétant sa propre potentialité d’attaque) Cet enchevêtrement de masses métalliques est magistralement photographié par Guillermo Navarro directeur photo attitré de tous les films de Guillermo del Toro ainsi que du majestueux « Jackie Brown » de Tarantino. L’assemblage des pièces, les costumes et la gestuelle de chaque ingénieur, l’utilisation à plein de tous les « ingrédients » techniques afin d’arriver au but ultime : le transport du jaeger par les hélicoptères géants suivi du lâché-largué dans l'eau. Des milliers de tonnes de métal dans l'air filmées comme des plumes. C’est comme un ballet mécanique (Fernand Léger) filmé avec une haute maîtrise dans un rythme incroyablement précis. 
Implacable et impeccable. 


(1) Kaiju (lit. "bête étrange ou bête mystérieuse") est un terme japonais pour désigner des créatures étranges, particulièrement des monstres géants des films japonais appelés "kaiju eiga". La notion japonaise de monstre est différente de celle des occidentaux. Un kaiju est plutôt vu comme une force de la nature devant laquelle l'homme est impuissant et non pas une force du mal.



Frankenstein ou le Prométhée moderne.

L'équipe militaro-informatique presque trop parfaite, infaillible à l'erreur et au doute, va être accompagnée d’un contre-balancement décadent de par la présence des deux chercheurs « fous », Newt Geizler et Hermann Gottlieb, personnages extraordinaires (très Brazil) et en dualité permanente. Ils symbolisent la réflexion, l’intellect indispensable pour envisager la destruction totale des Kaigus.  Et, du coup, ils vont aussi symboliser la vraie signature artistique du réalisateur. On sait que Guillermo del Toro a toujours eu le projet de mettre en scène « Frankenstein » écrit par Mary Shelley et l'on connait son admiration pour le cinéma de Luis Bunuel et James Cameron. On comprend mieux pourquoi il a glissé au milieu des militaires, ces deux personnages. Leur rôle s’avère donc majeur tout au long du film. C’est encore un autre couple qui va agir tout comme le couple Mako/Becket dans le cerveau du Jaeger.
On continuer à avancer à deux dans cette recherche du pourquoi. Ces deux chercheurs sont un peu les frères Lumière de "Pacific rim" avec un côté plus « trash » et déjanté dans la manière de s’investir physiquement dans leur recherche. Farfelus mais néanmoins écoutés et respectés par l’équipe dirigeante des ingénieurs aux muscles saillants.
L’action du chercheur fou, Newt Geizler, restera l’un des fils conducteur du film. C’est lui qui trouve la "solution" pour éradiquer la prolifération des Kaigus. Il représente l’œil du malin, c’est le plus passionné de tous les personnages du film. Passionné dans le sens où il donnera tout de sa personne, de sa croyance, de sa folie créatrice, de son insatiable curiosité et ses paris plus que risqués. Et surtout son sacrifice physique et psychologique à "sang pour sang ": le sang dans l’œil et le sang sortant de sa narine. 
J’adore particulièrement la scène où Newt découvre les "parasites" des Kaigus, sorte de gros bébés cafards marrons tout ronds et qui remuent leurs dizaines de pattes. Il veut tout découvrir et immédiatement tout comprendre. Tout au long du film, il va progressivement prendre le leadership, celui qu’on va suivre et même celui que les Kaigus veulent emmener avec eux dans leur profondeur terrestre. Les Kaigus ont compris qu’il "était l’intelligence sur terre". Ils veulent donc le kidnapper pour mieux se servir de ses compétences dans leur projet de colonisation de la terre. Newt Geizler n’existe pas par hasard. Il symbolise en un seul personnage tout le cinéma de Guillermo del Toro. Grande classe !

(Tableau "Le colosse")



La dérive et le partage.

Le Jaeger est commandé par une unité américaine mais subventionnée par le monde entier. Pied de nez au passage à la glorification sempiternelle et insupportable de l’unique super-héros américain (Batman, Iron man, Superman) . La mise en marche et l’activité d’attaque et de défense du Jaeger ne peut se concrétiser qu’avec deux personnes au lieu d’une seule.  Dans "Pacific rim", on fait les choses à deux, on agit à deux à la seconde d’où la sublime idée de la dérive et de la synchronisation des pensées des deux cerveaux. Il faut donc tout partager pour s’en sortir, pour avancer, pour vaincre. L’idée est d’une belle richesse naturelle et sa concrétisation cinématographique est stupéfiante. Depuis "2001 A space odyssey" de Stanley Kubrick et Arthur C.Clarke, je n’avais jamais ressenti une telle intensité au cinéma. Bien sûr, les autres références sont là et elles sont majeures comme "Blade runner", "Starship troopers", "Robocop" ou encore "Total Recall." 
Toute la mise en lumière du concept de la dérive est pour moi l’un des plus grands moments du film. Le binôme cérébral ne peut fonctionner seul et du coup  vaincre et sauver  que si  la confiance des ressentis instantanés est totale et du coup créatrice d’ondes positives. Pour nous faire comprendre tout cela, le réalisateur rassemble malicieusement trois actions en une.
1/ L’action simultanée des ingénieurs en informatique, des deux chercheurs (belle et noble référence au mythe du Docteur Frankenstein et sa créature) le tout coordonné par le mentor des pilotes gradés Stacker Pentecost, l'Obama sauveur de planète.
2/ L’action concrète et matérielle des deux "pilotes militaires" à l’intérieur du sur-dimensionné dôme crânien du Jaeger en lien avec l’équipe de la première action.
3/ L’action cérébrale, passéiste ou actuelle des deux cerveaux en allant jusqu’à l’intrusion corporelle de l’un des deux, dans la pensée de l’autre (en l’occurrence Mako et son souvenir d’enfance)
Cette partie du film est, à mes yeux, stupéfiante de richesse scénaristique et concrétisée visuellement par une mise en scène d’une grande virtuosité. C’est le cœur du film. 
Une telle complexité de mise en scène m’a conduit à revoir le film plusieurs fois et ce dans tous les formats proposés. Le point ultime de ces trois histoires étant la scène majeure où Mako, enfant, déambule dans une rue dévastée de Tokyo poursuivie par un terrible Kaigu japonais. Mako est rongée par ce souvenir, qui paradoxalement va la construire dans sa future vie d’ingénieur-pilote de jaeger mais aussi qui la détruit au moment de passer à l’acte immédiat de survie. On ne construit rien avec un passé destructeur. On n’a plus le temps. Il faut agir immédiatement, ne pas se retourner. Incroyable mise en scène. Il y a comme une respiration dans les plans. C'est prodigieux.
Comme disait François Truffaut, le cinéma règne. 

(Mako - Pacific rim)



Une finalité par la désobéissance.

La longue séquence de l’attaque des Kaigus dans le port de Hong Kong est un moment fort du film. On est dans un temps presque réel. N’oublions pas la présence continuelle de l’horloge, disons plutôt du compteur-temps, qui vient ponctuer les agissements tragiques des combats, des victoires ou des défaites. Plus on avance, plus les Kaigus se reproduisent et sortent de la brèche encore plus gros et sont encore plus destructeurs. Il ne faut pas perdre de temps. Il faut donc tout mettre dans la bataille pour répondre à l’attaque dans le port de Hong Kong. Envoyer plusieurs Jaegers, s’unir en défendant la survie de l’espèce mais aussi en tentant de refermer la brèche d’une manière définitive. Fait de guerre donc aussi avec actes de désobéissance (je pense à "Aventures en Birmanie" de Raoul Walsh). Deux combats sur le même front. Pour y arriver, il y aura du sacrifice, respect de l’autre mais aussi perte de valeurs, des moments de folie imaginative. 
D’un côté le combat « mastodonte » dans le port et en parallèle, l’arrivée du chercheur Newt Geizler dans la banlieue de Hong Kong et son quartier-taudis suintant d'humidité crasseuse (très Blade Runner) Le repère du trafiquant de poudre d'os de Kaigu, l'un des plus beaux personnages du film.
C'est la rencontre avec Hannibal Chow royalement interprété par le "Hellboy" Ron Perlman. Là encore un grand moment du film. Le réalisateur travaille sur deux histoires parallèles avec une rare maîtrise, comme galvanisé par l’arrivée dans le récit de son acteur fétiche. La complicité entre le comédien et Guillermo del Toro n’est plus à démontrer. La boucle est bouclée.
L’entrée en scène de Ron Perlman est majestueuse. Tout y est. La sublime élégance du cadrage, la veste au beau velours rouge très "Django", la gueule balafrée et ravagée du « Hannibal Hellboy » et surtout les chaussures. La plus belle paire de pompes du cinéma. On sent que le réalisateur n’aime pas son acteur. Non. Il le vénère et la caméra est à genoux devant lui. Le plan est fabuleux. C’est de l’adoration et ce moment crée une chaleur admirative et d’amour si rare dans le cinéma contemporain. C’est extraordinaire. C’est un très beau moment, très émouvant. Le soin du détail toujours. Cela me rappelle l’amour de Quentin Tarantino pour ses comédiens (Inglorious basterds, Boulevard de la mort et Django unchained)
C’est incroyable de pouvoir filmer avec autant de décontraction et de distance dans le même instant des monstres robotiques surdimensionnés (on repense au budget pharaonique du film) et une paire de chaussures conçue sur mesure et portée par la plus vile crapule du film. 
Le soin de l’artistique toujours. D’une forme de décadence aussi. Le chercheur fou a donc rencontré une autre folie en la personne d'Hannibal Chow. Une nouvelle complicité, un nouveau couple est né.
Mais, au même moment et loin de Hong Kong le vrai acte de folie va se passer dans les entrailles de la terre. La destruction de la brèche par une explosion qui ne peut être que nucléaire. Il faut étouffer dans l’œuf. Détruire cette armée de Kaigus en attente dans les profondeurs sous-marines (plan furtif extraordinaire des Kaigus alignés) Mais pour y arriver, il faut descendre profond, traverser des aurores boréales (Abyss), descendre lentement mais sûrement en découvrant un autre univers, un espace qui semble s’ouvrir à l’infini. 
C'est un voyage au centre de la terre. La référence à Stanley Kubrick et au final de 2001 est directe et c'est sublime. Sauf qu'ici, on va dans l'autre sens. Ce n'est pas un voyage dans l'espace intersidéral mais à l'intérieur de l'oeuf terrien voir humain. La dérive finale à l'intérieur d'un corps et l'on pense aussi au poétique "Voyage fantastique" de Richard Fleischer réalisé en 1966.  En descendant dans ces entrailles avec Mako et Becket, des versants vertigineux s'ouvrent à nous. Des versants majestueux et arrondis de couleur bleu. 
Peut-être ceux des montagnes hallucinées.



GUY MALUGANI (juillet 2013)



La première illustration est tirée des Cahiers de l'herne consacré à Lovecraft.
Le tableau "Le colosse" est attribué à Goya mais contreversé par certains experts.
Toutes les autres illustrations sont tirées du livre "Pacific Rim Man, Machine and Monsters".
Cliquer sur chaque illustration afin d'obtenir un format plus grand et plus agréable.




(Guillermo del Toro - Juillet 2013)


samedi 2 février 2013

From Alex Hong Kong.




Mojito.

(Photo : Guy Malugani)

Intime et horrible.




"Intime et horrible !" dit le général Grant à Abraham Lincoln.

Tout est dit en deux mots. Et ce, au bout de 2h30mn du 27ème souffle cinématographique de Steven Spielberg. De son incontournable filmographie, c'est peut-être le plus retenu, le plus doux, paradoxalement au milieu de la violence entre deux peuples du même pays. Violence des hommes, mais là, violence entre américains, sans doute la plus dure. Il faut filmer les dents de la guerre. Mais pour arrêter cette violence, il faut se faire violence, politiquement. Abolir, pour mieux vivre entre américains. Le duel est permanent.
Pour comprendre ce combat idéologique, il faut aussi mettre en scène l’intériorité, la complexité des négociations, les trahisons, les doutes. Il faut sauver le soldat Amérique.

Il faut donc mettre en scène l’intime. Et prendre son temps. Toute la force du film est là. Il faut tenir, au milieu des joutes politiques, au milieu du chaos de la guerre intérieure américaine (pour une fois) Alors, avec le regard de l'innocence, il faut suivre la charrette, le sang qui coule, les membres qui vont devenir poussière. 

Inoubliable scène.

Il faut donc mettre en scène l’horrible . Pour arrêter tout cela, il faut imaginer, construire un nouveau concept, abolir l’esclavage mais surtout abolir le racisme intérieur et latent d’un immense pays éclaté en plus de 50 états.
Tout se dit progressivement et au fil des images, on reconnaît bien là le producteur de MEMOIRES DE NOS PERES et LETTRES D’IWO JIMA.

Il faut tenir. Always. Mais il faut aussi aboutir. Le cinéma de Steven Spielberg aboutit toujours. Mais là avec une force de narration, de construction d’images tellement forte qu’elle engendre miraculeusement sur la fin du film, une rare douceur, une chaleur unique renforcée par la sublime musique (peut-être sa plus belle) de John Williams avec le Chicago Orchestra Symphony. 
On a envie de se lever, de voir le film debout.

Larmes aux yeux, le final musical du 'The Peterson House" d'une durée de 11 minutes est monumental.

Le ton est donné. Le ton de l'image aussi et surtout tout un immense travail sur une nouvelle couleur. Pas de nom possible à cette couleur. Pas de couleur pourpre. Non. Un ton entre le noir et le bleu. La belle complicité entre Messieurs Janusz Kaminski et Steven Spielberg.

Dans le regard presque taquin du grandiose Daniel Day Lewis, il y a du Indiana Jones, du Oscar Schindler, du Quint, du John Miller, du Avner Krauftmann et et bien d'autres. Tous ces regards réunis en un seul. Celui de cet homme, Abraham, qui rêvait de pouvoir marcher au milieu de la ville sainte, Jerusalem. Celui du président d’un Etat qu’il voulait par-dessus tout, uni. 
Le regard du 16ème président des Etats-Unis, mais là, indestructible, le plus beau des regards, celui du cinématographe. 

Le beau, le grand, le très grand cinéma.

Guy Malugani.